Je voudrais jouer ce grand poème (écrit en 1913 !) en déséquilibre dynamique entre lecture et jeu, entre improvisation et écriture, entre la petite lampe et la vieille contrebasse.

Macbeth dirait "full of sound and fury", dans cette Prose il y a plein de joie et de tristesse, de désir et d'ironie, de formes et de couleurs (Sonia Delaunay ne s'était pas trompée !) et puis du bruit, du son, du rythme pendant que le transsibérien traverse l'horreur.

Pour porter cette fresque (du rouge ! Du jaune !) j'ai envie de monter la pression de la chaudière en nourrissant le feu.

"Et j'ai vu.

J'ai vu des trains de 60 locomotives qui s'enfuyaient à toute vapeur pourchassées par les horizons en rut et des bandes de corbeaux qui s'envolaient désespérément après

Disparaître

Dans la direction de Port Arthur."

Je suis seul sur un tapis  avec ma vieille contrebasse italienne du XVIII°, une guitare et une tambouriça, instrument slovène,  seul héritage de mon grand père maternel.

Le tapis est la scène.

Le texte est dit : parfois incarné (in carne), parfois en distance mais il peut devenir chanson, plainte, caresse, hurlement, rire, rythme pur.

Le sous-texte est complexe et multiple à l'image du poème que je continue à découvrir et à explorer.

Il a aussi une mémoire encore plus profonde et riche. Ce texte, je l'ai travaillé et appris au cours de promenades dans les Alpilles. La nature m'a parlé plus que ce que je pouvais croire. Le poème ouvrait le sensible, et le ciel, les arbres (et tout le reste !) sont entrés dans l'espace des mots et ont insufflé une vie solaire que la Prose ne peut avoir. Chaque fois que je ressens le besoin de mettre de l'air et de contrer la pression de la locomotive, c'est ce vert là que je puise en moi.

Le tapis et le reste j'ai envie de les poser dans de petits espaces intimes, conviviales, créer ces petits théâtres qui peuvent exister en en-de-ça de la boîte noire.

Toute occasion sera bonne pour sortir la Sibérie traversée par un monstre rouge et noir de ma valise, mais modestement vis-à-vis de Blaise Cendrars, du mystère d'une grande écriture, mais aussi vis-à-vis du public pour qu'il puisse, le mieux possible projeter son propre voyage

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